Guénhaël Huet et les autres candidats aux législatives contre l'arasement des barrages sur la Sélune - Ducey (50) - 26 mai 2012
Même si rien n'en est sorti, la réunion contre l'arasement des barrages sur la Sélune qui a eu lieu samedi 26 mai 2012 en soirée à la salle de la mairie de Ducey aura eu le mérite de rassembler la quasi-totalité des postulants aux élections législatives sur la circoncription du sud Manche et de connaître leurs positions sur ce sujet.
Elle aura permis aussi au public de rencontrer leurs candidats.
Ce débat, initié par l'association les amis du barrage, a réuni 8 des 9 candidats à la députation : Guénhaël Huet le député-sortant (UMP), Bernard Tréhet (Centre pour la France), Gérard Dieudonné (DVG), Gérard Sauré (PRG), Patrice Cella (Front de Gauche), Jean Leguélinel (EE-LV), Marie-Françoise Kurdziel (FN), Olivier Pjanic (Debout la République).Etait absente Laurence Derrey, la candidate LO, retenue en région parisienne (Presles - 95) pour la fête annuelle du parti d'extrême gauche.
Environ 80 personnes étaient présentes à la réunion, ce qui est une bonne audience, au regard du nombre de manifestations locales organisées ce soir là : la fête des Biards, le festival Papillons de nuit, ...
Quelques élus locaux étaient dans la salle : Henri-Jacques Dewitte, maire et conseiller-général de Ducey, Louis Desloges, conseiller général d'Isigny-le-Buat.
La réunion a été animée par John Kaniowski le président de l'association organisatrice.La soirée s'est déroulée comme suit :
- rappel de la position de l'association sur ce dossier,
- intervention successive des candidats après tirage au sort,
- réponses des candidats aux déclarations précédentes,
- débat avec le public.
Elle a été séquencée en 3 vidéos :
- la position de l'association et des candidats (71')
- les réponses des candidats entre-eux (21')
- le débat avec le public (55')

La présence des vidéos suppléera aisément cette "carence". Seuls les temps forts seront mentionnés sur ce billet.
Une analyse personnelle concluera cette article.
Les candidats sont intervenus à tour de rôle après un tirage au sort et leurs temps de parole contrôlé par ordinateur. Comme à la télévision.
- Guénhaël Huet (UMP)
- Patrice Cella (Front de Gauche)
- Jean Leguélinel (EE-LV)
- Gérard Dieudonné (DVG)
- Olivier Pjanic (Debout la République)
- Gérard Sauré (PRG)
- Bernard Tréhet (Centre pour la France)
- Marie-Françoise Kurdziel (FN)
Le premier candidat tiré au sort a été le député-sortant Guénhaël Huet.
Le candidat a rappelé qu'il s'est «opposé depuis le début» sur les barrages contrairement aux autres candidats qui s'y sont «intéressés très tard sur ce dossier : 1 semaine, 2 semaines, 2 mois, 3 mois»
La décision de la secrétaire d'Etat à l'Ecologie, Chantal Jouanno, en date du 13 novembre 2009 d'effacer les barrages est selon le député sortant «injuste, dangereuse et très onéreuse».
Injuste : la décision a été prise sur des critères non objectifs mais subjectifs. Elle résulte moins de l'impossibilité de restaurer la qualité de l'eau de la Sélune et la migration des poissons qu'il est techniquement possible de résoudre selon lui (critère objectif) que de satisfaire les intérêts des associations écologistes (critère subjectif) afin de s'assurer de leurs participations au Grenelle de l'Environnement.
Dangereuse : les barrages ont un rôle d'écrêtement des crues. En l'absence, il existe des risque d'inondations en aval (Ducey, Poilley).
très onéreuse : le coût de l'opération serait de approximativement de l'ordre de 50M€.
Et rappelle que «depuis le mois de novembre 2009 je me suis opposé à ce [...] à cette décision et je continue à m'y opposer».
Selon lui, «le dossier a progressé» : les 3 réunions publiques au printemps ont permis de geler le dossier, l'Etat n'a pas mis fin à la concession à EDF.
«Sur ce dossier je n'ai jamais failli» et promet si les électeurs lui font confiance en le réélisant, de prendre immédiatement un rendez-vous auprès du ministère de l'Ecologie.
Les candidats suivants, sans surenchère, soutiennent l'action de l'association les amis du barrages et demandent eux aussi le maintien ou un moratoire des barrages existants.
Ils rejettent l'argumentaire de Guénhaël Huet leur reprochant d'arriver tard sur le dossier.
Patrice Cella rappelle que le Font de Gauche a toujours été au coté de l'association : à la manifestation d'Avranches le 13 juin 2009 (cf. vidéo), aux réunions publiques en février (cf. vidéo), sans oublier les communiqués de presse et les distributions de tracts, ...
«Non Monsieur Huet, n'étiez pas seul, il y avait aussi du monde, très tôt, à travailler sur les barrages» répond à son tour Gérard Dieudonné faisant référence notamment à sa présence et à sa prise de parole à la manifestation au Mont-Saint-Michel le 3 juillet 2010 (cf. vidéo).Le souverainiste Olivier Pjanic rejette le terme d'opportunisme-électoralisme lancé par le candidat-sortant lors d'une précédente réunion publique (lire ici) aux candidats outsiders sur de dossier.
Gérard Sauré explique l'origine de la situation présente : l'absence des élus à différentes réunions concernant l'avenir des barrages. Le cumul des mandats serait «le vrai problème», visant sans le nommer Guénhaël Huet, député, maire et président de la communauté de communes.
«On ne peut pu gérer les dossiers comme il faut» quand un élu exerce plusieurs mandats.
Il pose deux questions au député concernant ses réussites sur différents dossiers locaux : «Vous dites : je n'ai pas pas été entendu sur la THT, [...], sur les barrages, ou sur le TGI et sur d'autres dossiers. Pourtant vous étiez dans la majorité gouvernementale.1ère question : dans la mesure où vous n'avez jamais été entendu sur les dossier importants concernant le sud Manche [...], n'avez vous jamais songé à quitter cette majorité?
2ème question : demain si vous êtes réélu, auriez vous plus de poids dans l'opposition que vous en avez aujourd'hui dans la majorité?». Applaudissements.
Marie-Françoise Kurdziel répond aussi au député. Lui faisant remarqué qu'en participant dès 2005 à la Commission Locale de l'Eau (CLE) et à la préparation et validation (27 novembre 2007) du Schéma d'Aménagement de Gestion de l'Eau sur la Sélune (SAGE), il était au courant de la probable destruction des barrages, et cela bien avant 2009.
vidéo 1 :
Après le tour de table et avant le débat avec le public, les candidats ont eu la possibilité de préciser quelques points ou de répliquer aux allégations et attaques des uns et des autres.Gérard Sauré prend le premier la parole et précise une information lancée par Bernard Tréhet lors de son intervention.
Le candidat PRG lance un pavé dans la mare en annonçant «sous conditionnel» que le Préfet de la Manche aurait signé au début de mois de mai l'arrêté de fin de concession des barrages.
Ce courrier aurait été remis à la Poste puis récupéré par un agent de la Préfecture au centre de tri sur ordre du Ministère. Cela «afin de ne pas perturber les élections». La campagne du député sortant ???
«On nous prend pour des cons : on met le dossier entre parenthèse pendant les élections et après on reprend les choses» et fait observer le manque de transparence.
Gérard sauré se dit choqué à la lecture d'un dossier fourni par les opposants à l'arasement de barrages. Il est dit que ce choix (la validation du SAGE en 2007 suggérant la suppression des barrages) a été voté «sans consultation des élus ou sans savoir ce qu'ils signaient» (cf. "Controverse autour du barrage de Vezins", page 21 lire ici).
Gérard Sauré en conclut «les élus n'auraient pas su ce qu'ils signaient. Alors soit il y a des gens très forts pour faire des textes que l'on ne comprend rien, soit il y a des élus qui sont très cons qui ne comprennent pas ce qu'ils signent». Peu d'applaudissements.
Particulièrement visé par Gérard Sauré et Marie-Françoise Kurdziel, Guénhaël Huet répond que leurs allégations sont «fausses», «pas sérieuses» et «pas dignes». Elles s'expliquent par leur méconnaissance du dossier.
Il dit travailler sur ce «dossier compliqué» «depuis 2 ans et demi, trois ans».
Le député-sortant fait état d'une lettre de la directrice de cabinet de Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM), l'ex ministre de l'Ecologie, en date du 5 décembre 2011 relative à une réunion relative à la Sélune organisée par la directrice de l'eau et de la biodiversité le 30 septembre 2011 réunissant le préfet de la Manche, les services de l'Etat et l'agence de l'eau Seine-Normandie.
Il y est écrit que l'acte officiel mettant un terme à la concession de Vezins serait pris rapidement.
Or il n'en est rien. Le député-candidat est convaincu que cela résulte des trois réunions publiques de février 2012 (Ducey, Saint-Hilaire-du-Harcouët et Isigny-le-Buat) et des pétitions qui ont réuni 4.500 signatures.
Selon le député «le dossier est gelé, [...] et s'il n'est pas gagné, il est encore jouable».
Par ailleurs, il rappelle que c'est le 12 novembre 2009, la veille de l'annonce officielle, que les parlementaires de la Manche ont été prévenus de l'arasement des barrages.
vidéo 2 :

On remarquera aussi la présence de supporters de Guénhaël Huet qui n'ont pas hésité à prendre la parole pour défendre le bilan député-sortant sur ce dossier.
John Kanioswki et l'association les amis des barrages attendront l'élection du futur député pour relancer le dossier.
Il rappelle que l'association ne peut rien faire sans l'aide des élus et promet de se battre quoiqu'il arrive.
Puis laisse à la parole une dernière fois aux candidats pour la conclusion.
Un verre de l'amitié conclue définitivement la soirée.

Elle a permis de rencontrer de visu l'ensemble des candidats aux élections législatives. Chose rare.
La réunion a été brillament animée par John Kaniowski.
Elle s'est déroulée dans le plus total respect : chaque candidat a laissé l'autre s'exprimer sans interruption. Quelques attaques personnelles dirigées vers Guénhaël Huet ont été lancées. Il est vrai qu'il avait tendu le bâton pour se faire battre (sur l'arrivée tardive des candidats ou leur opportunisme électoraliste).
Il a été à l'origine très mal engagé et donc difficile par la suite à défendre.
Le député-sortant Guénhaël Huet n'est pas indemne de tout reproche. Bien au contraire.
Le député-sortant veut croire qu'il y a encore une chance. Il a tout intérêt à le dire s'il ne veux pas perdre des voix aux élections de juin prochain. Mais il a certainement plus de chance de gagner à l'euromillion que de renverser la situation concernant les barrages.

(photo à droite barrage de Vezins)
Ce classement impose la mise en place pour les deux barrages situés sur la rivière de dispositifs assurant la libre circulation des poissons migrateurs. Seulement des études, à la demande d'EDF, ont conclu à l'impossibilité technique de réaliser de tels dispositifs, notamment pour la dévalaison (la descente des poissons).
Les barrages de Vezins et de la Roche-qui-Boit ne sont pas aux normes.
Il aurait simplement suffit de déclasser le cours d'eau pour que la procédure ne s'enclenche pas et que les barrages soient en conformité pour la partie libre circulation des poissons (rester à résoudre la qualité de l'eau).
Si le classement de la rivière a été pris par voie réglementaire, son déclassement aurait pu l'être par la même voie (en application du principe de la compétence des formes).
Ce déclassement aurait dû engagé par l'Etat à la demande des politiques locaux (députés, sénateurs, ...).
Il y aurait eu des contestations de la part d'associations de pêcheurs ou environnementales, mais dans le passé l'Etat a pris des décisions bien plus lourdes de conséquences (exemple fermeture des bassins houillers en Lorraine et ailleurs ...)

Et ils ne pouvaient pas ne pas savoir.
Le 27 juin 2005, la CLE à la majorité de ses membres a opté la suppression des barrages. Séance à laquelle Guénhaël Huet, alors conseiller-général du canton d'Avranches, était présent.
(photo à droite barrage de la Roche-qui-Boit ©Michel Coupard)
La confirmation a eu lieu le 13 novembre 2009 : la secrétaire d'Etat à l'Ecologie Chantal Jouanno annonçait l'arrasement des barrages.
Si dès 2005 Guénhaël Huet connaissait ainsi la probabilité du destin funeste des barrages, il n'a eu , selon lui, connaissance de la suppression des barrages le 12 novembre 2009, date à laquelle il a commencé à monter au créneau à l'appel de l'association les amis du barrage.
Seulement, le député était informé depuis de longs mois de ce qui se tramait au Grenelle de l'Environnement engagé en 2007 et des conséquences pour les deux installations hydro-électriques du sud-Manche.
Fin 2008, il a été destinataire d'un courrier adressé par l'association de protection de l'environnement WWF.
Ce courrier (lettre + plaquette d'informations pour l'effacement des barrages de Poutès, Vezins et la Roche-qui-Boit) informait les parlementaires des avancées sur du Grenelle et de la probable destruction des barrages dans le cadre de ce processus (en téléchargement : la lettre ici / la plaquette d'infos là).
On rappelera que le député Guénhaël Huet a voté en octobre 2008 (1ère lecture - détail du scrutin ici) et en juin 2009 (2ème lecture - détail du scrutin ici) le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'Environnement ... la loi sur laquelle repose la décision de Chantal Jouanneau (le document en téléchargement ici).
Si on résume : à Paris le député-sortant vote le Grenelle de l'environnement supprimant indirectement les barrages et en local il critique la décision de l'Etat prise dans la continuité du Grenelle.
Discours un peu schizophrène. Et exemple manifeste de «double langage» avancé par l'un des candidats (Gérard Sauré) présent à la soirée.
Certains candidats ont rappelé dans la soirée avoir soutenu la cause de barrages depuis très longtemps.
Par ailleurs, le député n'a pas été toujours présent au coté de l'association (lire ici)
Le 16 février 2012, quelques jours après la réunion d'Isigny-le-Buat (14 février 2012), la Préfecture de la Manche publiait un compte-rendu du comité de pilotage en date du 16 décembre 2011 avec pour titre «effacement des barrages de Vezins et de la Roche-qui-Boit».
Comble de l'ironie ou de la provocation, le même jour Guénhaël Huet accompagné d'élus étaient au ministère de l'Ecologie reçus non pas par la ministre mais par son Directeur-adjoint de cabinet ... qui leurs a confirmé l'arasement des barrages et expliqué différentes mesures d'accompagnement (le report de la vidange, la renaturation de la vallée, ...).
La messe était redite.
Aucune idée si les révélatons (sous conditionnelles) de Gérard Sauré sont exactes, mais il semble évident que la notificiation préfectorale à EDF de fin d'exploitation électrique de barrages interviendra très rapidement, vraisemblablement après le second tour des législatives.
Faire croire le contraire, qu'il y a une chance de revenir en arrière, c'est véritablement de la malhonnêté intellectuelle.
Toute remise en cause du dossier est hypothétique même si le dossier peut sembler peu précis pour les candidats quant à son financement ou/et sa méthodologie (les décisions prises avant que certaines études ne soient faites).
L'Etat et EDF s'exposent à de très lourdes amendes de la part de la commission européenne et des juridictions administratives si le rétablissement de la libre-circulation des poissons migrateurs n'est pas rétabli sur la Sélune dans les meilleurs délais.
En fin juriste, Guénhaël Huet ne peut pas ne pas le savoir.
Comme celui de la primauté de l'intérêt général sur l(es) intérêt(s) particulier(s) ....
A suivre.
sites et/ou lien internet utiles :
- dossier des barrages sur la Sélune (avranches infos)
- l'effacement des barrages (la Préfecture de la Manche)
- le Grenelle de l'Environnement (Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie)
- association les amis du barrage (le blog)
- barrages sur la Sélune on efface! (WWF)
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